Critique ciné: "Matrix Ressurections"

Programmeur célèbre, Thomas Anderson est perdu dans une réalité qui le hante... il va découvrir, ou plutôt, redécouvrir que le monde dans lequel il vit est une gigantesque façade. Pour en avoir le coeur net, il devra retomber dans le terrier du lapin blanc...

Dans l'interminable parade de reboots et remakes, où les Madeleines de Proust et autres darlings pop-culturels se voient triturés sans grand ménagement, la possibilité de voir "Matrix" - sleeper hit devenu monument du cinéma de la fin du 20ème siècle - se faire ravaler la facade était, pour paraphraser sa géniale némésis, inévitable. Mais à contrario des resucées décrépites d'avance qui se servent de leur atout nostalgique et de la dimension méta comme des arguments de vente ou de blagues bouche-trou, "Matrix Ressurections" répond à cette problématique avec intelligence et inspiration, restant dans la continuité thématique de la saga initiale. Après vingt ans d'une trilogie conspuée puis réhabilitée, théorisée et parodiée jusqu'à épuisement, Lana Wachowski et ses collaborateurs savent très bien que leur saga de SF à une place toute particulière dans le giron culturel. Et si le métrage se prend au jeu de la blague méta déconstructionniste, citant allégrement passages du premier opus et élements de fanservice, c'est pour mieux reconstruire le tout dans une exploration du concept cohérente par rapport à son univers. A l'instar de ce qui avait été opéré sur "Reloaded", deuxième opus de la trilogie, "Ressurections" joue avec les codes et les acquis, donne du familier pour mieux déboussoler, le tout pour accoucher d'un blockbuster inégal en termes d'éxecution mais toujours ludique, que ce soit dans ses propositions meta-textuelles ou son message humaniste. Un cadeau de Noël inésperé. 

En bref:  Suite inattendue, mais finalement plus solide qu'il n'y laissait paraître, "Matrix Ressurections" est un blockbuster presque à part - objet filmique post-post-moderne qui embrasse sincèrement son univers, son héritage et son leg pop-culturel avec une audace certaine et un panache assumé. Enfin une suite qui respecte la substantifique moelle de son concept après une tannée de suites faussement déférantes. Un film qui fera certainement jaser tout autant que les suites sorties il y'a déjà vingt ans.

Note: 14,6/20